QU’EST-CE QU’UN HOMME ?

RÉFLEXIONS POUR EN FINIR AVEC LA MASCULINITÉ TOXIQUE

Il y a peu, je suis retombé sur ce texte écrit le 16 mai 2023 après une expérience marquante en tant qu’enseignant. À l’époque, en corrigeant les dissertations d’une classe d’école de commerce, j’avais été frappé – voire horrifié – par la vision de l’homme et de la femme qui s’en dégageait. Ces copies révélaient une conception figée, archaïque et profondément misogyne des rôles de genre : la femme y était réduite à deux fonctions essentielles, mère au foyer dévouée ou objet de désir à consommer. Un entre-deux semblait impensable.

Aujourd’hui, alors que prolifèrent sur Internet les discours de pseudo-coachs prônant une masculinité fondée sur la domination, le contrôle et la négation de l’autre, il m’a semblé pertinent de republier cette réflexion.

Parce que poser la question « Qu’est-ce qu’un homme ? », c’est ouvrir un espace de remise en question, un espace où l’on peut choisir de déconstruire plutôt que de reproduire.

Parce que si l’histoire nous façonne, elle ne nous condamne pas : nous avons toujours le pouvoir d’en écrire une autre.

Le texte qui suit a été publié le 16 mai 2023 sur ma page privée.

« Qu’est-ce qu’un homme ? »

J’ai ouvert mon cours aujourd’hui sur cette question.

Je ne souhaitais pas de réponse. J’ai simplement laissé résonner les mots avec le malaise grandissant des élèves, les garçons surtout, que cette question a déstabilisés.

Puis, je leur ai expliqué ce que leurs dissertations disaient d’eux et je leur ai demandé si c’était cette image qu’ils souhaitaient incarner dans le monde.

Là encore, laisser résonner les mots, ne pas attendre de réponse.

Évidemment, je leur ai précisé que la question « Qu’est-ce qu’une femme ? » était tout aussi pertinente. Toutefois, étant donné que les productions de textes rédigées par les filles de la classe présentaient l’homme en tant que partenaire et non comme l’objet de satisfaction d’un désir compulsif, nous allions nous concentrer sur la question initiale.

Et j’ai continué en leur disant que cette question, dont la réponse est complexe, riche, mouvante, pouvait en amener une multitude d’autres :

– Qu’est-ce qu’un homme dans le regard de son père ?

– Qu’est-ce qu’un homme parmi les hommes ?

– Qu’est-ce qu’un homme au travail ?

– Qu’est-ce qu’un homme dans le couple ?

– Qu’est-ce qu’être un père, un mari, un amant, un fils ?     

Puis, je leur ai demandé si la femme était réellement un territoire à conquérir, si son rôle dans le couple s’arrêtait à celui de femme pondeuse.

C’est comment d’être mère dans le regard d’un homme ?

D’être la mère d’un homme ?

La mère de l’enfant d’un homme ?

Le choix des mots, les qualificatifs ne sont pas le reflet du monde, mais de celui qui le regarde.

Je les ai invités finalement à me proposer quelques périphrases qui, selon eux, qualifient les femmes. Évidemment, « le sexe faible » et  » le sexe opposé » sont sorties.

Je leur ai demandé alors :

«  »Le sexe faible » ? Pensez-vous pouvoir supporter tous les mois les douleurs menstruelles et aller travailler ? Pensez-vous pouvoir traverser un ou plusieurs accouchements ?

« Le sexe opposé » ? Et si je vous parle de « sexe complémentaire », comment ça résonne en vous ? Là encore, je ne veux pas de réponses, car elles vous appartiennent. »

Nous sommes en mai : il me reste 4 cours avec eux. Pour la première fois depuis le début de l’année, j’ai eu l’impression qu’il se passait quelque chose dans cette classe.

Du moins, j’ai pu enfin enseigner dans un silence propice à l’écoute.

Certes, nous sommes porteurs de l’histoire.

Mais nous ne sommes pas l’histoire.

Et nous avons le pouvoir de la changer si elle ne nous convient pas.