LES PENSÉES DE L’HOMME PLUME

UNE DÉMARCHE DE STRUCTURATION ET DE PARTAGE

TOUT EST PARTI D’UN MESSAGE DE SOUTIEN

Fin janvier, lorsque j’ai compris que mon arrêt serait prolongé, il m’a fallu du temps pour accepter l’idée de me retirer.

Enseigner n’a jamais été, pour moi, un simple exercice de transmission. C’est surtout permettre une circulation des idées, ouvrir des espaces de pensée, dialoguer, laisser résonner les voix. La pédagogie est, il me semble, une dynamique vivante, exigeante, qui engage le corps, la voix, la présence. Interrompre ce mouvement sans pouvoir le prolonger auprès des élèves a nécessité, pour moi, un réel travail d’acceptation.

Pour accueillir cette coupure, j’ai choisi de consacrer les deux premières semaines de mon arrêt à élaborer un calendrier précis pour le second semestre, accompagné d’un corpus de plus de 250 documents et ressources critiques, analytiques, pédagogiques, organisés et commentés. Le tout à destination de ma remplaçante.

C’était ma manière d’honorer le lien avec mes élèves. De garantir une forme de continuité, de poser des repères, et de permettre à celle qui allait reprendre la classe de le faire dans les meilleures conditions possibles.

Une fois ce passage accompli, deux questions se sont peu à peu imposées : comment occuper mon esprit sans me laisser glisser vers l’inertie ? Comment préserver un rythme sans pour autant m’épuiser davantage, en restant à l’écoute du corps ?

J’avais déjà publié quelques textes sur une page dédiée, ouverte sans but défini. Des fragments de réflexion, posés là au fil de mes apprentissages sur le TSA. Mais le rythme était irrégulier, l’intention encore floue, les textes encore inaboutis.

Un jour, en me connectant à ma boîte professionnelle pour vérifier que ma remplaçante n’avait pas besoin d’aide, je suis tombé sur un bref mail de soutien. Sobre, respectueux et bienveillant. Il m’a profondément touché — d’autant plus qu’il venait d’une personne dont la lucidité, la finesse et la sensibilité m’avaient marqué.

Ce message m’a rappelé que quelques mots, envoyés au bon moment, peuvent ouvrir un lieu de mise en lien, offrir un appui, laisser émerger un espace de respiration.

C’est ce jour-là que j’ai décidé de reprendre mes textes, de les relire, de les retravailler, afin de leur donner une direction plus cohérente.

Au départ, ces écrits étaient avant tout destinés à moi-même. Une manière de structurer ce que j’apprends, de garder une trace fidèle de mon parcours de compréhension du TSA. Une tentative d’élucider ce qui me traverse. Mais au fil des semaines, j’ai compris que mon mode de pensée systémique pouvait aussi faire écho chez d’autres. Non pas en apportant des réponses toutes faites. Mais en proposant des articulations, des mises en perspective, des outils de compréhension.

Je ne rivalise pas avec les comptes qui excellent dans la création d’infographies claires et pertinentes.


Mon territoire, c’est la langue.

Ce qui m’anime, c’est la mise en forme de la pensée. J’aime quand je parviens à ordonner ce qui semble confus. À nommer ce qui n’a pas encore trouvé de mots.

Je n’ai jamais été partisan d’une posture haute dans l’enseignement. J’ai toujours préféré aider les élèves à se penser eux-mêmes. À questionner leurs évidences. À développer une parole cohérente, responsable, structurée. À ne pas confondre réactivité et justesse. À se défendre par les idées, par la nuance, par la parole, plutôt que par la violence.

Et j’apprends d’eux. J’aime ces moments où l’un d’entre eux nuance, propose un angle inédit, déconstruit un biais implicite.

C’est dans cet esprit que je m’adresse à vous ici. Non pour “enseigner”, mais pour penser ensemble. Pour proposer des pistes, des concepts, des angles de vue. Et peut-être, parfois, des lignes de fuite.


Tout est parti d’un mail de soutien.

Que cette personne, à l’origine de ce message, soit ici remerciée pour avoir, sans le savoir, ravivé l’envie d’ouvrir cet espace.